La somatopathie
Historique
Quelques mois avant la fin de ma formation au CTME, Maurice POYET s’est éteint. L’un de ses élèves et de mes enseignants, Pierre-Camille VERNET, reçu de sa part peu de temps avant sa mort une dernière séance qui l’a profondément remué, pendant de longs mois, sur le plan émotionnel, le ramenant à des perceptions de sa vie prénatale dans un premier temps. Mes connaissances de sage-femme et notre grande complicité me permirent de l’accompagner dans la compréhension de ce qui le traversait. Aidé de son intuition exceptionnelle, il établit de façon empirique, que je vérifiais dans mon propre cabinet, les liens entre les mémoires de stress émotionnels et la structure physique. La Somatopathie était née…J’ai eu la chance d’en être la sage-femme, dans ce rôle d’accompagnatrice discrète émerveillée, rassurante et soutenante.
En 2001, je co-fondais avec P.C.VERNET l’antenne ardéchoise de l’Ecole de Somatopathie qui était née en Bretagne l’année précédente.
Une recherche de plusieurs années, qui d’ailleurs n’a pas cessé, d’abord de P.C.VERNET et de moi-même puis de quelques élèves formés à l’Ecole de Somatopathie, ont donné jour à cette approche complémentaire à la thérapie manuelle qui permet de diagnostiquer et libérer les répercutions somatiques des mémoires de stress psycho-émotionnels. Une résolution de ce conflit ancien peut alors se produire, modifiant les schémas corporels et comportementaux inconscients.
La somatopathie, comment ça marche ?
Toute personne confrontée à une souffrance émotionnelle à laquelle il est impossible de s’adapter à cause de son trop jeune âge, ou de la violence de la situation, ou de sa répétition excessive, garde dans son corps physique la mémoire de cet événement. Mais elle n’y aura pas accès avant d’avoir la solidité suffisante pour s’y confronter à nouveau et y apporter une résolution, c’est-à-dire digérer l'événement, être libre et en paix. Cette résolution peut se produire à la suite d’un travail intérieur, d’une psychothérapie par exemple. Les symptômes physiques qui apparaîtront alors marqueront la nécessité d’ajuster l’équilibre du corps à ce qui se résout. Mais bien plus souvent la résolution passe par une réactivation : quelque chose se produit dans la vie du sujet qui éveille les mêmes émotions que celles qu’il n’a pas digérées. En s’y trouvant à nouveau confronté, dans cette maturité et solidité suffisante, il devient possible de s’y adapter, avec l’aide du somatopathe. L’émotion se libère, la zone figée cède, la structure retrouve sa souplesse et les symptômes disparaissent…
De la zone figée aux symptômes
Les émotions insurmontables auxquelles nous avons été confrontés, ou celles que nous avons perçues de nos parents, surtout si elles n’ont pas été dites, entraîneront des dysfonctions somatopatiques crâniennes.
La boîte crânienne est un assemblage de rouages (les os du crâne) qui s’articulent entre eux et se transmettent le mouvement rythmique du corps appelé MRP (Mouvement Respiratoire Primaire), comme l’a démontré Sutherland. Ces rouages sont reliés par la continuité des fascias qui jouent le rôle de courroies, à tous les espaces du corps. Ainsi une zone figée crânienne peut provoquer des symptômes périphériques comme des douleurs articulaires, vertébrales, digestives, insomnies, et bien d’autres.
Exemple : Virginie vient consulter pour une douleur du genou droit. A l’examen crânien, la zone de l’os temporal droit est figée. En l’interrogeant, Virginie précise que cette douleur a commencé avec une crise de couple et son sentiment de ne pas être comprise de son conjoint. Cela réactive la souffrance de communication qu’elle a vécu à 5 ans lorsque ses parents se sont séparés, ce qui l’a éloignée de son papa avec qui les liens de complicité se sont rompus.
A 5 ans Virginie n’avait pas le recul, la maturité, ni même la construction cérébrale nécessaire pour s’adapter à cet événement lourd et douloureux. Elle ne peut le résoudre qu’à travers la solidité de son âge adulte, et sa crise de couple lui en offre l’opportunité.
La dimension trans-générationnelle de la somatopathie
En tant que mammifères, nous sommes soumis aux mêmes lois que toutes les espèces vivantes. Parmi celles-ci, les mécanismes de survie de l’espèce impliquent que lorsqu’un individu est soumis à un stress important, il transmet à sa descendance, à son insu et par voie inconsciente, le signal que ce type de situation, même beaucoup moins intense, est potentiellement très dangereux.
Depuis quelques années, la recherche scientifique a démontré que cette transmission se fait par voie génétique, le stress rencontré modifiant l’expression du génome. On nomme cette recherche l’épigénétique. Ainsi, même s’il n’a pas connu ses grands-parents et leur histoire, un enfant porte en lui la mémoire de ce qu’ils ont vécu d’insurmontable et cela l’impactera.
Exemple : Martial vient consulter pour un lumbago aigu. Il vient de déménager et suspecte un faux mouvement même si la douleur a commencé une bonne dizaine de jours après. Il signale qu’il s’agit du troisième épisode de ce type pour lui. La première fois il avait 17 ans ; c’était la rentrée scolaire, dans un nouvel établissement où il ne connaissait personne. La deuxième fois, c’était au moment où sa compagne est venue s’installer chez lui.
L’examen révèle les reins figés, c’est-à-dire une mémoire de stress de territoire trans-générationnelle. Martial confirme en expliquant que ses grands-parents maternels étaient Pieds-Noirs et ont dû quitter l’Algérie et y laisser tous leurs biens, et que son grand-père paternel a fui l’Espagne franquiste.
Chaque fois que Martial rencontre une souffrance de territoire, même minime, cette vielle mémoire se réactive, comme un signal, et provoque une rétraction tissulaire des loges rénales impactant l’équilibre lombaire. Lorsque la réactivation est trop importante, cela peut aller jusqu’au blocage…
La somatopathie pour les jeunes enfants
La particularité du tout petit c’est son immaturité cérébrale. A la naissance, le bébé ne fait pas la distinction entre lui et son environnement. Il en est de même pour les champs d’émotions qui le traversent ; il ressent de la même manière sa peur lorsqu’il est seul sans ses parents en néo-natologie par exemple, et la souffrance de sa maman qui vient d’apprendre le décès d’une personne proche. Même et surtout si elles ne sont pas évoquées, les émotions insurmontables des parents impacteront l’enfant. Et celui-ci, s’il est accompagné d’amour et d’attention, transformera ces énergies de souffrance en énergie de construction.
Eclairons ce point. Pour un enfant qui nait, avant une certaine construction cérébrale, il n’y a pas de dualité. Il n’a pas de jugement sur ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». Il y a juste des flux d’énergie, certains légers et joyeux, d’autres lourds et sombres, et il puise dans les uns et les autres pour se construire. Ainsi il participe à la résolution des souffrances de ses parents, de sa lignée. Et c’est ainsi que nos enfants nous font avancer, il est vrai parfois en faisant remonter de vieux dossiers pas très agréables. ;-)
Lorsqu’une souffrance émotionnelle particulièrement intense a été vécue, il se peut qu’elle soit trop brûlante pour être accessible chez le sujet directement. Il reste trop fragile, même avec l’âge, pour la transformer. C’est alors la génération suivante, l’enfant de cette personne, qui manifestera les zones figées et les symptômes permettant la résolution.